Crédit : L'Art de Capter par Josiane Farand

Par Mélanie Jannard
La crise du logement, souvent niée et incomprise, touche un grand nombre de ménages québécois. C’est dans le but d’entrer en dialogue avec la population et de revendiquer l’accès pour toutes et tous à une habitation adéquate que la compagnie de création Temps publics a mis sur pied Terre promise (semi-meublée), dont la pièce de théâtre finale a été présentée lors des Journées de la culture 2021. Le projet in situ s’inscrivait parfaitement au sein du programme Étincelles, qui vise à soutenir le développement de projets culturels et citoyens.
Dans la dernière année, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a lancé un appel de projets de théâtre engagé visant à défendre les droits des locataires. Toute désignée pour répondre à cette demande, l’équipe de Temps publics a rencontré des comités logement à travers le Québec. Elle y a offert des ateliers de médiation, de création et d’improvisation basés sur les expériences de personnes pour qui se loger est un défi. Ces rencontres ont ouvert un espace d’écoute et de discussion riche, qui a donné lieu à la création d’une pièce de théâtre représentée lors des Journées de la culture 2021 à Montréal.
La puissance d’un espace
La démarche in situ, qui définit la création artistique à partir d’un lieu, s’est présentée d’elle-même pour Terre promise (semi-meublée). « Vu qu’on parle de crise du logement, on trouvait intéressant d’être une espèce de théâtre qui n’a pas de maison », image Geneviève Antonius-Boileau, cheffe d’orchestre du projet. Comme lieu de diffusion du spectacle final, le choix du parc Morgan, dans le quartier Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, est loin d’avoir été laissé au hasard. C’est à cet endroit qu’étaient réunies les dernières tentes de personnes sans domicile, avant que leur campement soit démantelé.
« L’idée de se retrouver sur une terre où il y a eu une présence politique spécifiquement liée aux revendications dont on parlait, c’était porteur », mentionne la directrice. Près de la rue Notre-Dame, le collectif a installé des abris et mis en scène l’esprit de communauté et de solidarité qui avait pu s’y développer avant d’être brusquement balayé. Ces scènes théâtrales dénonçaient une réalité révoltante qui avait eu lieu à cet endroit même, quelques mois auparavant.
La responsabilité de l’art citoyen
Réussir à faire cohabiter l’art, les revendications politiques et le message social n’est pas toujours simple. Pour Geneviève Antonius-Boileau, le programme Étincelles est novateur dans ses critères de sélection de projets : « Ce qui reste au centre, c’est l’excellence artistique, mais l’excellence artistique responsable. On demande aux artistes de prendre conscience de leur tribune, de la posture dans laquelle ça les places vis-à-vis leur communauté. […] Il n’y a pas beaucoup de programmes qui font ça ».
Celle qui a porté de nombreux chapeaux pour diriger Terre promise (semi-meublée) voit son rôle au sein de l’initiative citoyenne comme la « colle » entre les divers éléments qui en ont fait le succès : entre les locataires et les comédiens ; entre les témoignages reçus et le canevas de la pièce finale. Ensuite, qu’en était-il des spectatrices et spectateurs devant qui jouer ? L’art citoyen n’atteindrait pas son objectif en parlant uniquement aux personnes qui paient pour aller au théâtre. En ce sens, rejoindre le public là où il se trouve – comme au parc Morgan – est la mission que se donne Temps public depuis sa fondation. Pour la suite du projet, c’est dans la même lignée que Geneviève Antonius-Boileau contemple l’idée d’adapter sa pièce à une foule de nouveaux lieux, allant des quartiers voisins jusqu’à la Gaspésie. « Il n’y a pas de public cible pour la crise », termine-t-elle. « Tout le monde a besoin d’habiter quelque part. »
Photos: L’Art de Capter par Josiane Farand
Sous le thème de la justice sociale, la première édition du programme Étincelles, initié par Culture pour tous, vise à faire briller les initiatives en matière de culture citoyennes du Québec.