Richard Nicol – Août 2007
Ce projet de cirque social a vu le jour en 1998 dans la communauté d’Igloolik, au Nunavut. C’est dans le but de contrer le mal de vivre qui assaille plusieurs adolescents du Nunavut que Guillaume Saladin a mis sur pied un groupe d’artistes pour introduire les arts du cirque chez les Inuits.

Guillaume Saladin, cofondateur d’Artcirq, revient tout juste de l’Amazonie… et repart demain…
Une histoire triste
À la suite de drames à répétition, notamment des suicides de jeunes, des actions concrètes ont été posées à Igloolik pour donner aux jeunes un espace d’expression. À l’initiative de la compagnie ISUMA Productions est créé un groupe de huit jeunes pour prévenir, par les arts et la culture, le suicide dans la communauté. La première initiative du groupe Inuusiq, qui signifie «Vie» en inuktitut, a été la réalisation et la production d’un téléroman sur la vie des jeunes de l’Arctique canadien d’aujourd’hui.
«Avec le temps, nous préférons mentionner que nous voulons inspirer les jeunes plutôt que de réduire le nombre de suicides. C’est moins lourd à porter», explique Guillaume Saladin. Drogue, alcool, désœuvrement, perte de culture, peut-être, mais aussi une résistance, une volonté de vivre des jeunes avec une vision et du dynamisme.
Membre de Inuusiq Youth Drama Group, coscénariste et acteur de la télésérie, lui-même à l’époque étudiant à l’École nationale de cirque de Montréal, Guillaume Saladin fonde, avec six autres élèves de l’école, dont Karine Delzors, le projet de cirque social Artcirq.
Guillaume Saladin et Lucy Tulugarjuk en sont aujourd’hui les deux codirecteurs artistiques.«Localement, nous souhaitions créer une zone de communication, une zone d’expression, avec et entre les jeunes, créer des ponts à travers les divers ateliers», rappelle Guillaume. «Nous voulions offrir des modèles inuits aux jeunes pour se réaliser», poursuit-il. Car, la culture de masse est aussi présente ici que là-haut.
L’aîné conseiller
Il y a toute une équipe à Artcirq. Six membres-clés âgés entre 23 et 33 ans 5, dix-sept autres âgés entre 14 et 25 ans et enfin, 10 entre 14 et 18 ans. Et, il y a l’aîné. Un membre inusité. John Arnatsiak, 53 ans, est en effet l’aîné conseiller. Il est respecté à titre de chasseur, de mécanicien et de guide de survie. John Arnatsiaq est né et a été élevé dans l’une des familles les plus traditionnelles d’Igloolik. Il a mené son existence dans des camps éloignés et isolés. Sa connaissance du mode de vie traditionnel des Inuits est donc extrêmement profonde et appliquée. Ce vaste savoir des jeux et des traditions inuits est d’une grande valeur pour la jeunesse d’Artcirq. Son père et ses frères sont reconnus dans le Nunavut et dans le monde en tant qu’acteurs, performeurs et trésors vivants.
Cirque et racines culturelles
Dès le départ, les cofondateurs tenaient à développer les arts du cirque chez les Inuits en associant les pratiques traditionnelles aux techniques contemporaines faisant ainsi le pont entre les différentes générations et les cultures. « Lors de la célébration du retour du soleil, il y a une grande procession dans le village, mentionne Guillaume Saladin. Elle met en valeur les chants de gorge des femmes, des jeux de force, des gestuelles et des jeux acrobatiques, poursuit-il. Nous favorisons leur fusion », conclut-il. Il est vrai qu’il n’y a pas d’arbres, de points d’ancrage, pour exercer des pirouettes acrobatiques dans la toundra…. Forcément, il y a donc des techniques particulières…
«Notre espoir est d’en donner aux jeunes», déclare Guillaume. «Nous voulons créer un tourbillon qui monte vers le haut, qui leur donne le droit et le pouvoir de rêver», ajoute-il. Et, ça marche! En effet, une jeune femme, membre de la compagnie, l’a quittée pour partir étudier dans le Sud. Elle avait toujours rêvé d’être coiffeuse mais ne s’en était jamais cru capable. «Artcirq est un tremplin, un espace solidaire, où les jeunes ne se sentent plus seul et s’entraident», résume Guillaume.
Avec Artcirq, il s’agit de promouvoir l’expression du corps et de l’esprit tout en rehaussant l’estime de soi des participants 6. Toute cette aventure est facilitée financièrement par la production et la réalisation des documentaires d’Isuma Productions diffusés à travers le monde. Guillaume est d’ailleurs attendu, dans quelques mois, à Tombouctou… un autre type de désert…