
Colloque international – Cité des sciences et de l’industrie, Paris, novembre 2012
Direction des politiques et des relations interministérielles, ministère de la Culture et des Communications – Janvier 2013
Coordonné par les ministères français et québécois de la Culture, ce colloque, qui a réuni plus de 330 personnes en provenance d’une dizaine de pays, avait pour objectif de présenter des réflexions internationales et d’identifier des pistes d’action pour favoriser une meilleure intégration de la culture dans les démarches de développement durable.
Ce colloque s’inscrivait dans un contexte international particulier, car le rôle de la culture dans la recherche d’un développement durable fait l’objet d’un intérêt grandissant à l’échelle mondiale et de plus en plus d’organisations s’engagent dans des démarches opérationnelles visant à intégrer la culture dans leurs politiques de développement.
De nombreux instruments témoignent de cet intérêt grandissant, notamment avec la Déclaration de l’UNESCO sur la diversité culturelle et la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles qui demande aux États d’intégrer «la culture dans leurs politiques de développement, à tous les niveaux, en vue de créer des conditions propices au développement durable». Plus récemment, c’est l’Assemblée générale des Nations Unies qui a adopté deux résolutions pour souligner «l’importante contribution de la culture au développement durable».
Pourtant, malgré ces textes, les sommets internationaux sur le développement durable, comme celui de Johannesburg en 2002 et de Rio+20 en 2012, n’ont encore accordé que peu de place au rôle de la culture pour le développement durable.
La composante culturelle du développement durable se trouve à un moment charnière de son évolution: alors qu’elle est reconnue dans certains forums internationaux sectoriels, cette reconnaissance n’est pas encore pleinement acceptée par tous, particulièrement dans les forums sur le développement durable. Comme les Nations Unies viennent de lancer un processus pour que soient adoptés des Objectifs de développement durable d’ici 2015, l’intégration de la culture au développement durable est plus que jamais d’actualité.
Les prochaines années seront donc déterminantes pour l’évolution de cette question, d’où la nécessité de se rassembler pour échanger et débattre, valoriser les pratiques innovantes, créer des partenariats nouveaux et réfléchir à des stratégies visant une plus grande reconnaissance et une concrétisation du lien entre la culture et le développement durable.
Visions et réflexions globales par trois personnalités de haut niveau
Pour amorcer la réflexion, le colloque a réuni trois personnalités de haut niveau qui ont présenté leur conception du développement durable et de l’intégration de la culture, en apportant une hauteur au débat, avec un recul historique important, une perspective humaniste, philosophique et holistique.
Le philosophe Edgar Morin s’est exprimé sur les processus de mondialisation, d’occidentalisation et de développement qui secouent notre civilisation. Il a souligné que la «mondialisation actuelle peut constituer à la fois le pire et le meilleur de ce qui pourrait ou de ce qui a pu advenir à l’humanité». Le pire, parce que, pour le philosophe, «nous sommes emportés dans une course extrêmement rapide, que le vaisseau spatial Terre, dépourvue de pilote, court effectivement, propulsé par des moteurs que sont la science, la technique, l’économie, le profit…»; mais aussi le meilleur parce que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il y a plus qu’une interdépendance, «il y a une communauté de destin».
Amareswar Galla, expert international en muséologie a présenté de nombreux projets reliant culture et développement durable dans différents endroits du monde, notamment en Afrique du Sud et au Vietnam. Il a évoqué des projets dans lesquels des communautés tentent de reconstruire leur région en s’appuyant sur «la culture comme un outil de reconstruction d’un lieu et d’une identité». M. Galla a insisté sur l’importance de commencer les projets par la base, à partir des communautés elles-mêmes.
La réflexion s’est poursuivie avec Simon Brault, fondateur de Culture Montréal, du Québec, pour qui «c’est bien la culture qui place l’être humain au cœur de la problématique du développement durable, en en faisant un vaste projet de civilisation». M. Brault a aussi affirmé que «l’avenir du développement durable passe par la culture puisque c’est la condition sine qua non de son humanisation».
Une table ronde réunissant des organisations internationales
Une table ronde a réuni des représentants de l’UNESCO, de Cités et Gouvernements Locaux Unis, de l’Organisation internationale de la Francophonie et de la Commission européenne qui ont témoigné des démarches entreprises au sein de leurs organisations et qui ont débattu des obstacles à surmonter et des actions à prioriser.
Les représentants de ces organisations ont fait état des efforts soutenus qui doivent être faits pour convaincre les décideurs politiques de l’importance de la culture pour le développement durable, et ce à tous les niveaux, tant au niveau local que national et international. Pour ce travail de conviction, l’importance d’avoir des arguments probants et de développer des outils, particulièrement des indicateurs, a été mise de l’avant.
La présentation des démarches culture et développement durable de la France et du Québec

La démarche québécoise, avec l’Agenda 21 de la culture, vise principalement à intégrer la culture dans le développement durable, en faisant de la culture un levier de développement économique, social et territorial. L’opérationnalisation de ce lien se concrétise, entre autres, par le chantier gouvernemental qui demande à chaque ministère et organisme de l’administration de bonifier leur plan de développement durable par l’ajout d’actions contribuant à l’atteinte des objectifs de l’Agenda 21 de la culture.
Pour sa part, le gouvernement français s’est davantage consacré à intégrer le développement durable dans les politiques et actions culturelles, par exemple avec les aires de valorisation et de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine qui prennent en compte l’impact environnemental d’un site.
Un dialogue sur le lien entre culture et développement durable en droit international
Ce dialogue entre experts en droit international a permis d’examiner le lien entre culture et développement durable en droit international et d’en dresser un état des lieux et des perspectives à venir.
Les intervenantes ont souligné le fait que l’intégration de la culture au développement durable ne se fera pas «naturellement», même si pour beaucoup, la culture est intrinsèque au développement durable. Il est au contraire impératif de transposer de façon volontaire ce lien pour qu’il produise des résultats en droit.
Les intervenantes ont également mis de l’avant les avancées en droit international que représenterait cette reconnaissance du rôle de la culture pour le développement durable.
En effet, la notion de développement durable «véhicule un certain potentiel pour faire circuler plus librement les valeurs culturelles» et pourrait servir «comme levier pour aller au-delà des accords culturels» conclus à l’UNESCO. Cela permettrait à la culture, via le développement durable, de pénétrer dans d’autres champs du droit international, notamment ceux du commerce et de l’environnement.
Table ronde – Culture, société et développement durable
La table ronde «Culture, société et développement durable» a permis d’aborder le rôle de la culture dans les modes de vie, dans la cohésion sociale et dans le rapport à l’Autre et au monde. La question du numérique et la restructuration majeure qu’elle opère dans le champ des communications a été profondément abordée, non seulement, par l’accès à la culture qu’elle procure, mais aussi par les possibilités qu’elle offre en termes de participation, d’appropriation réelle des technologies, des médias, et surtout du développement des opportunités pour l’individu et sa collectivité. La cinéaste Manon Barbeau, du Québec, a présenté le projet du Wapikoni Mobile, permettant ainsi d’illustrer concrètement les effets sociaux et culturels dans les communautés autochtones du Québec de la participation des jeunes à la création artistique, via notamment les nouvelles technologies.
Table ronde – Culture, économie et développement durable
Une autre table ronde, intitulée «Culture, économie et développement durable», abordait les notions de capital culturel et de capabilités, pour appréhender la culture comme un élément essentiel du développement économique. L’importance d’avoir un «langage commun» entre les milieux culturels et les économistes a été souligné et ce afin que les deux secteurs puissent se comprendre. Le renforcement de la notion de «capital culturel», tout comme le fait de pouvoir prouver et mesurer l’impact de la culture pour le développement, est apparu nécessaire pour que les économistes soient persuadés de l’importance de la culture. La notion d’un développement culturellement durable a été également abordée dans les discussions, à l’image du développement écologiquement durable.
Table ronde – Pluralité culturelle et développement urbain
Le colloque se concluait avec la table ronde «Pluralité culturelle et développement urbain» qui s’employait à réfléchir à la place de la culture et de la diversité culturelle dans le développement urbain, ainsi qu’à la capacité de la culture à être le levier d’un renouveau environnemental en territoire urbain en procurant des expériences et du sens aux habitants des villes. À l’aide d’exemples concrets, les intervenants ont particulièrement insisté sur l’importance de l’engagement et de la participation de la population dans les projets d’urbanisme.
Conclusion
Le colloque de Paris a permis de poser une pierre de plus vers la reconnaissance internationale du rôle de la culture pour le développement durable. En rassemblant les principaux acteurs engagés dans cette thématique, cet événement a suscité une prise de conscience sur l’importance de s’engager collectivement dans des actions visant à favoriser l’intégration de la culture dans les Objectifs de développement durable qui doivent être adoptés par les Nations Unies d’ici 2015.
À un autre niveau, le colloque a permis de mettre en évidence le fait que le Québec est à l’avant-garde dans la mise en place de mesures favorisant l’intégration de la culture au développement durable avec, entre autres, son Agenda 21 de la culture et le chantier gouvernemental en culture qui en découle.
Enfin, cet événement a été l’occasion pour plusieurs intervenants québécois de faire valoir leurs expertises et de présenter des expériences concrètes associant culture et développement durable.
Ces expériences ont suscité beaucoup d’intérêt et pourront possiblement conduire au développement de projets. Déjà, quelques retombées se font sentir: les Éditions Hermann ont demandé à Aude Porcedda, du Musée de la civilisation du Québec, de créer et de diriger une collection sur la culture et le musée du Quai Branly organisera, en 2013, une soirée Wapikoni mobile.
Il est possible de visionner toutes les vidéos du colloque sur Vimeo.