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Médiation culturelle

Colorier, simplement géant Publié le : 14 août 2015

L’imaginaire des jeunes Lanaudois colorié en mode kawaii

Michel Lefebvre – Juin 2009

L’été 2009 s’est ouvert au Musée d’art de Joliette avec l’événement Colorier, simplement géant. Deux artistes du collectif parisien Studiobüro ont séjourné à Joliette pour réaliser un dessin mural, inspiré de l’imaginaire d’enfants Lanaudois, avec la participation du public.


L’été 2009 s’est ouvert au Musée d’art de Joliette avec l’événement Colorier, simplement géant. Deux artistes du collectif parisien Studiobüro ont séjourné à Joliette pour animer des ateliers de création et réaliser un dessin colorié, avec la participation du public.

studioburoEn juin 2009, le Musée d’art de Joliette dévoilait un dessin en noir et blanc de 5 mètres de long, le résultat d’une démarche de création entreprise avec les artistes du collectif français Studiobüro et les élèves de trois écoles primaires de la région de Lanaudière, au nord de Montréal. Durant tout l’été, le public du Musée a eu l’occasion de participer au coloriage du dessin réalisé par l’illustrateur japonais Postics et le directeur artistique Jérôme Sachs. Pour les artistes qui ont séjourné deux semaines au Québec, il s’agissait d’une expérience tout à fait unique qui les a plongés dans l’univers culturel des jeunes de Joliette et de la nation Attikamekw de la Manawan.

Il y quelques années, la directrice générale du Musée, Gaëtane Verna, prenait connaissance du projet Flyingcoloringwall présenté par le collectif Studiobüro au Centre Georges Pompidou. Installé à Paris, le collectif met en œuvre des projets de design graphique qui engagent la participation du public. Enthousiasmée par le concept, elle contacta Jérôme Sachs et entama les démarches nécessaires afin d’organiser une version adaptée au Musée d’art de Joliette.

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L’objectif de Flyingcoloringwall demeure simple: offrir à tous l’occasion de participer à une oeuvre collective et de renouer avec la pratique amusante du coloriage. Dans chaque cas, il s’agit de créer un dessin de très grande taille, sous la main habile d’illustrateurs membres du collectif, dont celle du Japonais Postics (Ken Mizoguchi), une fresque donnée ensuite à colorier par le public. En fonction du contexte et du lieu où ils travaillent, les artistes adaptent le thème tout comme la taille du dessin. Après quelques expériences plus modestes avec un dessin de 3 ou 4 mètres, les artistes ont graduellement augmenté la taille du canevas jusqu’à 17 mètres au Centre Georges Pompidou en 2006. On comprend dès lors qu’il s’agit de colorier tout simplement géant!

Colorier, simplement géant : le défi joliettain

La version joliettaine n’en était pas moins ambitieuse, bien que d’envergure plus modeste en termes de surface. Le défi, cette fois-ci, consistait à établir un dialogue à distance, sur une période de plusieurs mois, entre les graphistes du collectif français Studiobüro et des élèves de 5e et 6e année des écoles Sainte-Thérèse et Les Mélèzes, à Joliette, et de l’école Simon P. Ottawa de la nation Attikamekw, à Manawan. La mise en œuvre du projet et son arrimage dans la communauté ont été orchestrés par Catherine Dubois, conservatrice à l’éducation au Musée.

Le dessin souhaité pour Joliette devait refléter la réalité des jeunes Lanaudois. Afin d’en rendre compte aux artistes à Paris, le Musée a composé un questionnaire destiné aux élèves afin qu’ils se dévoilent en répondant à des questions toutes simples sur leurs goûts et leurs aspirations. Le Musée s’est ici inspiré du «Questionnaire de Proust», un test rendu célèbre par les réponses données par l’écrivain Marcel Proust en 1890.

colorier4En nommant leur héros, un oiseau, le nom d’un film, un lieu, une personne aimée, en décrivant un rêve ou une crainte, les enfants ont dévoilé beaucoup de leur culture et offert aux artistes un important répertoire de référents culturels locaux. Les élèves pouvaient aussi s’exprimer par un dessin, d’autres ont réalisé des collages qui témoignent tout autant de leur réalité. Les artistes de Studiobüro ont eu accès au résultat de ces travaux dans les mois qui ont précédé leur arrivée. La communication se faisait aussi par l’intermédiaire d’un blog – projetcoloriersimplementgeant.blogspot.com – alimenté par les artistes et les jeunes, notamment par ceux de l’école Les Mélèzes qui avait greffé au projet de création des objectifs de formation en français et en informatique.

À la fin mai 2009, les artistes posaient le pied en Amérique et entamaient la phase finale de cette collaboration transatlantique. Pendant deux semaines, ils ont animé des ateliers de création dans les écoles et tracé le contour final du dessin géant tout d’abord esquissé dans les cahiers de l’illustrateur Postics. Ce dessin, véritable fresque de la culture populaire, entremêle une multitude de personnages et d’éléments culturels évoqués par les jeunes dans les dessins et questionnaires qu’ils ont fait parvenir aux artistes en France. Postics travaille tout d’abord à partir de croquis, puis il dessine à main levée au feutre noir sur la feuille qui s’affiche devant lui sur quelques mètres. Les motifs naïfs et rigolos s’inspirent de la culture populaire et de l’esthétique nippone de type kawaii, qui signifie «mignon» en japonais.

colorier5Lors des ateliers, les artistes invitaient les jeunes à créer un masque inspiré de cette esthétique kawaii propre aux mangas (bandes dessinées japonaises). Les artistes ont animé trois de ces ateliers au Musée d’art de Joliette et sept dans la communauté de Manawan, à l’école Simon P. Ottawa, où les artistes et la conservatrice à l’éducation du Musée, Catherine Dubois, ont séjourné quatre jours. Située à trois heures de route au nord de Joliette, la réserve compte près de 2000 habitants établis aux abords du lac Kempt, au cœur du territoire traditionnel de la nation Attikamek. Les artistes de Studiobüro y étaient accueillis par la communauté, logés dans l’unique résidence-hôtel dévolue aux visiteurs et plongés dans un univers fort éloigné de l’urbanité champêtre de Joliette.

Les artistes saluent ici l’accueil personnalisé dont ils ont bénéficié, la connivence et le rôle des enseignants qui ont agi comme intermédiaires, la collaboration du directeur de l’école Simon P. Ottawa, Guy Niquay, et de l’enseignant en arts plastiques Jean-Claude Néquado ainsi que l’enthousiasme des enfants qui n’ont pas accès souvent à ce type d’activité. Les artistes ont vécu là une expérience forte. Jérôme Sachs déplore que les enfants de milieux plus aisés font parfois montre de lassitude devant les projets qu’on leur propose, ce qui ne fut certainement pas le cas à la Manawan.

Avec ce projet collectif, le Musée couvre plusieurs champs d’intervention. Fruit d’un travail collectif, le dessin retournera en France après la clôture du projet aux Journées de la culture 2009, laissant derrière lui les traces indélébiles d’une expérience artistique contemporaine et communautaire consolidant la place du Musée d’art de Joliette comme un important point d’ancrage de la région.

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