Eva Quintas / Michel Lefebvre – Janvier 2009
Avec le programme Le Musée en partage, le Musée des beaux-arts de Montréal s’ouvre aux projets d’organismes communautaires et s’adapte à une clientèle qui ne lui est pas naturelle.
Avec le programme Le Musée en partage, le Musée des beaux-arts de Montréal s’ouvre aux projets d’organismes communautaires et s’adapte à une clientèle qui ne lui est pas naturelle. Cette initiative remporte un succès croissant, plus de 14 000 personnes ayant participé aux activités en 2007-2008.
Au terme d’une longue réflexion sur l’ouverture du musée et son rôle dans la société, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) crée, en 1999, le projet Franchir le seuil du Musée destiné aux organismes communautaires travaillant auprès de publics absents de sa clientèle habituelle
L’objectif initial de cette ouverture à la communauté, selon la responsable du Service de l’éducation et de l’action culturelle du MBAM, Hélène Nadeau, visait à «rendre le musée accessible à ceux qui n’y viennent pas naturellement», et ce à travers une offre d’activités éducatives et culturelles gratuites. On part alors du constat que la distribution gratuite de billets d’entrée n’est pas un élément effectif de développement de publics et qu’un travail de sensibilisation s’impose. Les clientèles identifiées sont nombreuses: communautés culturelles, personnes âgées, jeunes en difficulté, résidents de quartiers défavorisés, familles à faible revenu, handicapés physiques ou intellectuels, etc.
Des fondations privées financent pour une durée de cinq ans la première phase du programme. Les organismes communautaires répondent fortement. En 2004, le Musée décide d’aller plus loin, d’approfondir son impact avec une nouvelle mouture du programme renommé Le Musée en partage. Deux leitmotivs traversent le nouveau projet: écouter les groupes et ne pas définir de règles.
Le MBAM intègre cette notion de «projets adaptés». Plutôt que d’initier lui-même les projets de développement de publics, le Service de l’éducation du musée invite directement les organismes communautaires à lui soumettre des idées d’activités, de matériel pédagogique ou même d’événements. Il s’agit d’un important partage de responsabilités qui témoigne d’une ouverture mais qui n’en demande pas moins d’engagement du MBAM
Les organismes se servent du musée pour accomplir leur mission et le musée accomplit également les objectifs qu’il s’est donnés, notamment de rejoindre des publics considérés comme exclus de son bassin naturel tout en favorisant une ouverture à l’art et la mise en valeur de sa collection.
Le calendrier d’activités s’établit sur mesure, sans règle préétablie. Il peut y avoir une seule visite, parfois trois ou quatre, et le projet peut se poursuivre avec des ateliers de création et se conclure par une exposition des travaux réalisés.
«Lors de l’implantation du projet, explique Hélène Nadeau, l’un des défis fut de faire valoir auprès des financeurs un projet ouvert aux paramètres imprécis. L’approche repose sur une écoute active des besoins des organismes communautaires, donc peu de règles encadrent le projet. La médiation culturelle se rapporte ici à un acte éducatif dont les résultats sont difficiles à quantifier, hors des lois du marché ou du nombre d’entrées, ce qui rend le financement plus difficile à justifier.»
Relevons quelques exemples. Un groupe travaille auprès de jeunes mères monoparentales et souhaite créer des discussions sur la maternité avec les jeunes de 15-16 ans, ce qui n’est pas facile. Le musée organise une activité autour de différentes œuvres de la collection qui présentent des scènes de maternité afin de stimuler la discussion. Toujours à partir d’œuvres de la collection, un autre projet de nature similaire propose des ateliers sur l’identité avec des groupes d’itinérants de l’Accueil Bonneau; un autre s’inspire de la salle des œuvres canadiennes pour introduire des groupes de néo-immigrants à la culture québécoise.
Pour l’institution, l’impact central est le développement d’un intérêt et d’une curiosité chez le public, qui le pousse à aller voir plus loin. De façon secondaire, la médiation peut également permettre de transmettre une expérience, de l’information, des connaissances ou des contenus spécifiques. L’un des obstacles en amont de cette démarche de médiation touche l’image même du MBAM, souvent jugé comme une institution luxueuse, élitiste ou opaque. Il importe de combattre ou de déconstruire ces stéréotypes, et cela auprès des diverses clientèles mais aussi à l’intérieur même de l’institution où l’on y a offert des formations destinées à l’équipe d’éducation, aux guides, aux éducateurs, au personnel d’accueil et de sécurité. Une formation que l’on qualifie de plus «émotive» que théorique, surtout constituée de récits et de témoignages par les intervenants des organismes. On souligne que ce projet a complètement changé la vision du service de l’éducation, habitué à élaborer une offre et qui reçoit maintenant des demandes.
En mai 2008, le musée confirme son engagement avec la tenue d’une «foire de partage» où 10 organismes participants ont témoigné de leur expérience devant les représentants d’autres organismes. Près de 120 personnes y ont assisté et plusieurs projets de collaboration ont émergé de cette initiative. Enfin, le musée y trouve aussi son compte en termes de fréquentation. Pendant trois mois, tous les participants au Musée en partage ont reçu une paire de billets et 40 % d’entre eux ont bel et bien été utilisés.
Le projet, qui fête ses 10 ans en 2009, figure maintenant au programme du musée, indépendamment du financement externe, témoignant ainsi d’une médiation réciproque et exemplaire.