L’opéra pour tous - Initiatives d’action culturelle de l’Opéra de Lyon et de l’Opéra de Montréal - Médiation culturelle

Eva Quintas – Février 2008

Un nombre croissant d’opéras à travers le monde initient des actions de démocratisation de l’art lyrique, souvent regroupées sous la bannière «L’Opéra pour tous». On y retrouve des outils éducatifs et d’accompagnement plus traditionnels, mais aussi de nouvelles expériences participatives avec les citoyens.

Le Pôle de développement culturel de l’Opéra de Lyon a vu le jour en 2004 à l’initiative de son directeur général, Serge Dorny. Depuis qu’il a pris les rênes de l’organisme en 2003, le directeur a mené une importante action d’ouverture de l’Opéra sur la ville et ses populations.

Le volet L’Opéra pour tous présente une série d’initiatives, à la fois plus traditionnelles (outils pédagogiques, ateliers de formation pour le milieu scolaire et les groupes socioéconomiques), mais aussi plus novatrices, telles que l’opéra dans les prisons et l’opéra dans les quartiers.

Le projet Kaléidoscope s’inscrit dans ce dernier cadre territorial. Parce que le théâtre et l’atelier de couture sont situés dans différents lieux du centre de Lyon (le pied et les pentes de la Croix-Rousse) et que celui des décors est dans une autre ville de l’agglomération (Vénissieux), l’institution a choisi de mener des actions privilégiées avec les habitants de ces deux territoires.

Kaléidoscope réunit quelque 250 participants de 8 à 86 ans (regroupés en 25 petits groupes) qui, pendant deux ans (2006-2008), vont créer collectivement, avec l’aide de professionnels, des spectacles de théâtre musical autour de la nuit, thématique transversale de la saison 2007-2008 de l’Opéra. Les trois grandes étapes de travail (écriture, création musicale et mise en scène) ont été entrecoupées de plusieurs jours d’ateliers et de master classes à l’Opéra même. Les participants y ont été invités à présenter des extraits de leurs créations ainsi qu’à explorer des techniques vocales, théâtrales et musicales avec les équipes professionnelles de l’Opéra. À la fin du processus, les spectacles, sous forme de parcours déambulatoire, seront présentés au grand public dans des lieux insolites des deux quartiers les 7 et 8 juin 2008.

L’ambition du projet Kaléidoscope est d’encourager et de soutenir la pratique artistique amateur, et de favoriser la mixité sociale par des rencontres entre différents territoires de l’agglomération lyonnaise. Les groupes d’habitants (composés d’éléments aussi divers que des postiers, des patients d’un hôpital psychiatrique, des nouveaux arrivants, des collégiens et lycéens, etc.) y sont invités à créer leur propre opéra avec leur propre parole, à partir de leur quotidien.

Selon Stéphanie Petiteau, chargée du développement culturel, le bilan est heureux puisque les gens sont restés et se sont appropriés le projet; en fait le groupe initial de 150 participants constitué à l’automne 2006 est maintenant passé à 250 personnes. Le plus difficile est de maintenir la communication entre les ateliers, mais aussi de justifier auprès des participants pourquoi leur spectacle ne sera pas joué à l’Opéra mais dans les quartiers. «Nous ne voulions pas mettre les gens en difficulté en les installant provisoirement sur un podium devant 3 000 personnes.» Le projet est toujours risqué, il s’agit de praticiens amateurs. L’Opéra favorise ainsi la diffusion de multiples petits spectacles dans les quartiers respectifs, selon le principe du théâtre de rue, où le public sera aussi invité à interagir tout au long du parcours.

Enrichir les milieux de vie par des actions éducatives et culturelles

À Montréal, l’Opéra développe également un volet éducatif et de démocratisation de l’art lyrique (par exemple, l’opéra dans le métro) et contribue, depuis quatre ans, à la réalisation du projet CoOpéra, soit la création d’un spectacle musical, inspiré d’un opéra, en milieu scolaire défavorisé. Le projet est en fait l’initiative d’intervenants scolaires et communautaires de l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest qui souhaitaient offrir aux élèves une expérience artistique, culturelle et pédagogique inusitée. En 1998, appuyés par la Ville de Montréal et des partenaires de l’arrondissement, ils ont créé le programme «Les arts de la scène» visant à faciliter l’apprentissage scolaire à travers l’élaboration d’un spectacle musical. L’opéra de Montréal se joint à l’initiative en 2005 avec la mise sur pied du projet CoOpéra.

Cette année, ce sont à nouveau 125 élèves de 5e et 6e année du primaire de quatre écoles du Sud-Ouest, qui, encadrés par les professionnels des écoles, de l’Opéra et de son Atelier lyrique, vont réaliser une adaptation libre et abrégée de l’opéra «Un bal masqué» de Verdi, lequel sera à l’affiche à l’OdM à l’automne 2007. Les élèves créent pendant les cours un texte, une musique ainsi que tous les éléments de décors, costumes et accessoires.

«Nous sommes chaque année agréablement étonnés de l’enthousiasme des plus jeunes envers l’opéra et la fascination qu’ils développent tout au long de l’année pour le genre. Ils s’embarquent à fond dans le projet. Quand, au tout début de l’année, je leur fais entendre de la pyrotechnie vocale, je reste chaque fois pantois devant leur joie de découvrir une musique qu’ils ne connaissent pas. Et ils me disent tous: on adore!», mentionne Pierre Vachon, directeur des communications du marketing et des projets spéciaux à l’Opéra de Montréal.

Leur spectacle sera présenté fin mai 2008 à la salle Jean-Grimaldi dans l’arrondissement LaSalle. Le projet s’étend aussi de manière fort intéressante sur le Web, via un blogue et un forum. Selon la Commission scolaire de Montréal, ce projet a permis une diminution mesurée de l’absentéisme scolaire.