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Médiation culturelle

Thierry Lavignon : les citoyens et le théâtre Publié le : 1 mai 2007

Richard Nicol – Mai 2007

L’intervention et la vision de Thierry Lavignon sont au carrefour de l’éducation populaire, des pratiques artistiques professionnels et de l’animation socio-culturelle. La médiation La médiation? Pour qui? Pour dire quoi? Dans quel lieu? Avec quel argent? À quel prix? Dans quel but?


Médiateur, un métier qui se vit plus qu’il ne s’apprend

L’homme a 30 ans de théâtre dans le corps. Directeur des relations publiques et de l’action culturelle du Théâtre du Campagnol – Centre dramatique national 1 pendant 13 ans, il est, depuis 2004, chef de projet à l’INJEP 2 et à l’ARIA 3. Il a obtenu un brevet d’animateur socio-éducatif, un certificat d’études corporelles à l’Institut d’études théâtrales et un diplôme de médiateur culturel et artistique.

Amener les gens à s’interroger

L’intervention et la vision de Thierry Lavignon sont au carrefour de l’éducation populaire, des pratiques artistiques professionnels et de l’animation socioculturelle. La médiation? «Pour qui? Pour dire quoi? Dans quel lieu? Avec quel argent? À quel prix? Dans quel but?» D’entrée de jeu, on constate que Thierry Lavignon interroge constamment sa démarche.

Un questionnement qu’il partage avec Francis Jeanson qui a écrit : «La médiation entre quoi et quoi? Entre qui et qui? La question serait plutôt la suivante : comment mettre les personnes que nous rencontrons — quels que soient les occasions de rencontre — en mesure de s’interroger sur ce qui peut valoir aujourd’hui parmi nous?». Lavignon partage entièrement cette pensée.

Rencontre avec l’artiste

«C’est à l’adolescence que j’ai pris conscience du pouvoir de transformation, d’ouverture au monde, de création partagée que la rencontre avec un artiste, une équipe artistique, des poètes, pouvaient permettre à chacun d’entre nous de passer de l’état de spectateur au stade d’acteur». Selon, lui, le secteur de la médiation culturelle est maintenant devenu un marché porteur pour beaucoup de centres de formation universitaire ou privée. Dans ces centres, on forme « de bons techniciens des industries culturelles dominées par les lois du marché ». On entretient ainsi la confusion entre culture et communication : «L’art n’est pas la communication, l’art c’est la résistance», disait Deleuze.

S’oublier pour écouter

Aujourd’hui, Thierry Lavignon se définit volontiers comme un entremetteur, un accompagnateur, un traducteur, un haut parleur et un recycleur. Accompagner, «c’est se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui ». Donc, il accompagne des artistes, au sens du compagnonnage (coproduction d’acteurs réunis pour poursuivre un but commun). «Cet accompagnement passe par un échange de nos savoirs mutuels.

Accompagner, c’est être solidaire dans le succès comme dans les échecs; c’est aussi la capacité à être autonome, de faire un bout de chemin à deux, à trois…, de retrouver la dimension du collectif». Accompagner en marchant, selon lui, c’est aussi retrouver le corps en mouvement et l’accorder à la pensée. « a marche, c’est un travail pour soi, un oubli de soi, pour être à l’écoute du territoire de la pensée que l’on arpente seul ou avec l’autre».

De la culture pour tous à la culture de tous

Thierry Lavignon aime discuter de l’art de la rencontre ou de l’approche du savoir vivre ensemble. Pour lui, c’est changer la hauteur du regard de l’un vers l’autre, désacraliser le rituel de la rencontre. «Que ce soit notre relation à l’art ou notre relation aux gens cela relève toujours du rapport intime, d’une relation entre soi et soi». L’éducation populaire inverse les perspectives: au lieu de faire comme si la population avait une demande et le pouvoir une offre, elle affirme l’offre culturelle du peuple et cherche à lui faire rencontrer la demande du politique. Ainsi, pour la démocratie culturelle, «il ne s’agit pas de rendre la culture au peuple, mais de rendre le peuple à la culture». Idée de l’éducation populaire, Thierry Lavignon utilise tous les moyens de la culture pour réaliser les conditions d’une éducation permanente. «La finalité ici n’est pas l’art, mais la pratique de la démocratie et la formation du sujet politique, dit-il, par les moyens du théâtre , de la musique, du cinéma…». Pour ainsi favoriser le jugement et l’esprit critique: «La culture pour tous devient la culture de tous».

Du citoyen client…

Thierry Lavignon est chef de projet pour l’ARIA, une association ouverte à tous. Un pôle de formation et de création artistique ouvert à tous : profs et amateurs, techniciens, costumiers, enseignants, étudiants, étrangers. Dans la brochure de présentation, on peut lire: «Devant l’aliénation du «citoyen client» appelé à être un consommateur dès l’enfance, l’éducation populaire, par son champ d’action, constitue un vecteur actif d’émancipation de chacun». Thierry Lavignon y voit «une réponse efficace à la menace de déculturation, d’incivilité et d’ignorance qui nous envahit, une utopie généreuse qui permet de faire germer une action culturelle et sociale». La pensée qui préside aux actions de l’ARIA en Île de France est celle du «faire ensemble». On sent nettement la contribution de Thierry Lavignon.

… au citoyen passeur

Pour Thierry Lavignon, nous sommes tous des passeurs de culture. Ces paroles le renvoient aussi à son propre itinéraire avec le théâtre, qui souvent s’est réalisé grâce à l’intermédiaire de passeurs : parents, enseignants, éducateurs, comédiens, metteurs en scène, gens de théâtre… «tous ceux qui, à un moment donné, ont provoqué le désir, la mise en appétit de culture, de connaissance de l’autre, tous ces liens créés entre une compagnie de théâtre et son publics». Des paroles qui illustrent la chaîne des personnes qui, à un moment donné, jouent un rôle de médiateur entre un individu, un groupe et un artiste, une structure culturelle.

Thierry Lavignon est un amateur de grande randonnée en montagne. Plusieurs philosophes et poètes inspirent ses actions et sa vie quotidienne. Il nous laisse sur ce poème d’un grand homme de théâtre français. «Au terme de ces parcours de vies, de ces rencontres, de ces passions, de ces colères, arrêtons-nous et écoutons», conclut-il.

Le dernier mot est le bon
Le dernier mot de Phèdre est : pureté.
Le dernier mot de Chimène est : paternel.
Le dernier mot d’Auguste est : oublier.
Le dernier mot d’Hamlet-le-Bavard est : silence.
Le dernier mot du Prince de Hambourg est : Brandebourg, ou, si l’on veut bien, patrie.
Le dernier mot d’Harpagon est : cassette.
Le dernier mot de Macbeth est : enough!
Le dernier mot d’Oedipe-Roi est : arracher.
Le dernier mot de Prométhée est : j’endure.
Le dernier mot d’Oedipe à Colonne est : heureux à jamais.
Et les derniers mots de Roméo sont : Thus with a kiss I die.
Le poète a toujours le dernier mot.

Jean Vilar, 1953

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