Par Michel Vallée, président-directeur général chez Culture pour tous
Les résultats de l’Enquête québécoise sur les loisirs culturels et le divertissement préparée par l’Observatoire de la culture et des communications de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), attirent notre attention sur des constats préoccupants : une méconnaissance de la culture québécoise chez les jeunes et la difficulté persistante des productions télévisuelles et musicales locales à s’imposer dans leurs habitudes. Ces réalités constituent des signaux forts que l’ISQ met en lumière au service des instances décisionnelles, des milieux éducatifs et des organismes culturels.
Nous souhaitons contribuer à la réflexion découlant des résultats de cette enquête, et apporter un éclairage nouveau au tableau. En 2023, Culture pour tous lançait Cultures-tu?, une campagne visant à valoriser le regard et la voix des 15 à 24 ans sur la culture. Lancée avec le soutien du ministère de la Culture et des Communications, elle s’est déployée par des portraits vidéo et un sondage national mené auprès de 292 jeunes entre le 8 novembre et le 10 décembre 2023. Les résultats, publiés en mai 2024, apportent des nuances plus positives :
- Une majorité de jeunes attachés à la culture québécoise francophone: 66,4 % des répondants jugent important que leurs activités culturelles se déroulent en français;
- Un engagement artistique concret: plus de la moitié des répondants déclarent pratiquer au moins trois activités artistiques, et près de 10 % en pratiquent six ou plus;
- Une jeunesse vive, loin de l’image passive de jeunes collés à leurs écrans: seuls ou avec d’autres, les répondants pratiquent leurs activités en personne et partagent leurs expériences avec leurs proches;
Ces chiffres ne contredisent pas ceux de l’ISQ, ils les complètent. Ensemble, ils brossent le portrait d’une jeunesse qui, tout en manifestant un attachement réel à la culture, a besoin d’être soutenue pour que la donne change. L’appui des familles, du personnel enseignant, des artistes, des élus et de tous les adultes influents de leur vie, est essentiel. Ça n’est pas seulement une question de politiques publiques ou de budgets, c’est aussi une responsabilité collective.
Il faut aussi éviter de confondre industrie culturelle et culture. Ce n’est pas parce que les jeunes regardent peu nos séries télévisées ou écoutent moins de musique produite ici qu’ils rejettent leur culture québécoise. Ils la définissent parfois autrement, en l’intégrant à leurs codes, pratiques et influences diverses. Justement, cela nous rappelle notre rôle : alimenter leurs repères culturels dès la plus tendre enfance pour qu’ils puissent reconnaître, s’approprier et transmettre cette culture dans leurs propres termes.
Au-delà des efforts gouvernementaux, la population québécoise dans son ensemble doit prendre conscience que protéger sa culture, c’est protéger son identité. Les jeunes, aussi engagés soient-ils, évoluent dans un environnement saturé de contenus internationaux; leur permettre de continuer à voir, entendre et créer du contenu québécois demande un engagement quotidien de toute la société. Cela passe par des gestes simples : consommer et recommander des œuvres d’ici, fréquenter nos lieux culturels, transmettre nos références, raconter nos histoires, offrir notre culture en cadeau (billets de spectacles, musique sur formats payants, œuvres littéraires, artisanat local) aux jeunes qui nous entourent.
L’analyse des résultats du sondage mené dans le cadre de Cultures-tu? propose 15 recommandations concrètes et 10 avenues de recherche qui rejoignent pleinement la mission de Culture pour tous : encourager l’engagement, développer les activités parascolaires culturelles et valoriser la transmission intergénérationnelle. Elles peuvent être consultées ici.
Les constats de l’ISQ doivent être pris au sérieux : ils pointent vers des enjeux structurels tels que l’accès inégal aux contenus, la découvrabilité sur les plateformes numériques ou les effets des écrans sur la santé mentale. Tout comme ceux de Cultures-tu?, ils apportent des clés de compréhension complémentaires. Ensemble, ces données révèlent une jeunesse qui ne rejette pas sa culture, mais qui a besoin d’être accompagnée et encouragée pour la vivre pleinement. Elles incarnent ainsi une réponse mobilisatrice et concrète, rappelant qu’une culture vivante se nourrit autant de politiques éclairées que de la volonté et de l’implication de tout un peuple. Parce que notre culture, notre identité, c’est l’affaire de toutes et tous.
Pour consulter l’analyse des résultats du sondage sur l’engagement des jeunes envers la culture québécoise :
Des graphiques dynamiques sont également consultables sur le site de Culturepédia.